La sélection, mais où allons nous?
Produire ses graines bio de légumes, fleurs et aromatiques, c'est peut-être un peu plus compliqué que faire une pâte feuilletée mais pas impossible. Un de nos collègues producteurs, Christian Boué, a écrit un super livre sur la sélection édité par Terre Vivante. Il pourrait vous aider, vous guider dans ce monde merveilleux qui commence par le miracle de la germination, l'épanouissement des fleurs, la fécondation, la croissance et la maturation d'une plante, d'un légume, suivi de la formation des graines, toutes plus incroyables les unes que les autres.
Tel un phénix qui renaît de ses cendres, ces graines referont un nouveau cycle de vie, une nouvelle plante. Ce cycle, quasi perpétuel, est à l'image du cycle de l'eau qui s'évapore, condense disparait pour retomber sous forme de précipitations (neige, pluie, …). Cette eau s'infiltre, ruisselle, alimente les gaves, les cours d'eau, les rivières, les fleuves et bien entendu nos jardins. Contrairement à l'eau qui reste H2O, la plante évolue depuis des millions d'années, au même titre que nous. Elle est le résultat de mutations et de croisements naturels, mais cette union d'atomes qui compose le monde végétal et également le monde animal, que l'on peut écrire et prononcer CHON (carbone, hydrogène, oxygène, azote), évolue également grâce à nous.
Lorsque nous étions chasseurs cueilleurs, au même titre que les ours qui sélectionnaient les meilleurs pommes et les oiseaux les baies les plus sucrées, le résultat était positif, mais sur des échelles de temps beaucoup plus longues.
Cette sélection s'est accélérée de manière significative avec la sédentarisation. (sélection par exemple du maïs, à partir d'une plante sauvage, la teosinte au Mexique ; il y a 9000 ans, sélection du blé au Moyen-Orient à partir d'une grande céréale à un rang de grains, particulièrement rustique mais peu productive : l'égilope…)
Les agriculteurs étaient à la fois producteurs, semenciers, créateurs de variétés, ils faisaient des échanges entre eux, avec des passionnés, des voyageurs. Les expéditions du XVème siècle apportèrent encore plus de diversité sur nos étals et l'invention de l'imprimerie par Gutenberg permit la diffusion des premiers catalogues.
Les premiers vendeurs de graines en France apparurent vers le XVIIème siècle, Rivoire, Simon Louis Frères, le Potager Provençal, la maison Le Fèvre, Andrieux qui deviendra Vilmorin-Andrieux. Tézier apparaît en 1785, suivi de Denaiffe, Truffaut, Fabre, Moreau. Caillard, Clause, Girard, Boret apparaîtront avec l'apparition des premiers moteurs à explosion.
Au cours des décennies qui vont suivre, la sélection va faire des bonds, produire de très nombreuses variétés. A partir de 1962, la filière semences françaises devient une interprofession dénommée GNIS nommée maintenant SEMAE ; elle rassemble des entreprises de sélection : coopératives, entreprises familiales, PMI, entreprises transnationales, des agriculteurs-multiplicateurs, des entreprises de production et de distribution.
Notre groupement le Biau germe fait donc partie de cette interprofession. Pour pouvoir vendre nos semences, nous devons apposer un passeport phytosanitaire, nous avons des contrôles aux champs, des contrôles de traçabilité et des contrôles de pureté variétale. Même si nous sommes tout petits et sous-représentés dans ce monde, dans cette filière semences, nous espérons que petit à petit la semence paysanne et biologique fera son chemin. Car ce monde est trop souvent orienté vers la production à tout va, la course au profit, à celui qui nourrira l'humanité à grands renfort d'intrants.
Dans le monde, après de nombreuses fusions, deux grands groupes s'imposent : le premier étant Bayer, qui a repris Monsanto. En seconde position, on trouve Corteva qui possède la marque de maïs très répandue Pioneer. Arrive ensuite en troisième position, mais loin derrière, Syngenta qui appartient désormais au groupe chinois ChemChina. Se positionne ensuite l'entreprise allemande KWS, l'Allemand BASF et Vilmorin, une filiale du groupe coopératif français Limagrain. Ce marché très juteux, de plusieurs milliards de dollars, est en plus soutenu par des philanthropes comme Bill Gates, fondateur de Microsoft, qui ne trouve rien de mieux que de soutenir des firmes comme Monsanto, après avoir participé à inonder le marché de circuits imprimés qui polluent la terre (et parfois aussi notre esprit) . Pour lui sûrement, la science, c'est l'avenir. Mais "le monde selon Monsanto" (confère reportage de Monique Robin ) n'est peut-être pas le meilleur des monde, et le monde de l'argent crée des écarts de richesse colossaux entre les individus. Et quand bien même, les princes, en "bons princes", veulent redistribuer, ont-ils raison de penser qu'ils ont raison , la raison du plus fortuné est-elle toujours la meilleure? On peut parfois en douter, et ce n'est pas près de s'arrêter vu les élans de certains de nos nouveaux riches, même si c'est par amour de l'humanité (par philanthropie). Elon Musk et l'internet partout en est un exemple.
Mais bon, revenons à notre sujet, la sélection des plantes !
Le sélectionneur devra s'adapter aux cycles des plantes, annuel, bisannuel, vivace, à la période de floraison, au type de fécondation.
A ce propos, la pollinisation peut être de type allogame : la betterave, la carotte, la courgette et la courge, l'épinard, le potiron, la poirée, le chou, le radis, le mais, l'oignon et le poireau, (l'ovule est fécondé par du pollen en provenance d'une autre plante) ou autogame : le haricot, le Pois, La fève, la tomate, le piment et le poivrons, l'aubergine, la laitue et la pomme de terre (l'ovule de la fleur est fécondé par le pollen des propres fleurs de la plante, et non d'une autre).
Le sélectionneur travaillera bien entendu sur la période des récoltes, sur la précocité, le calibre, la forme des fruits, des légumes, des graines, l'observation de la plante, le goût, les couleurs, la conservation…
Différentes techniques de sélection s'offrent à lui :
La sélection conservatrice :
Le but est de piocher partout pour garder le maximum de caractères propres à la variété, en écartant bien entendu les hors types.
La sélection massale positive :
Le but est de choisir les plus beaux fruits, plantes, fleurs, …
La sélection massale négative :
Le but est d'éliminer les sujets les plus problématiques (fragilité, maladie, floraison trop courte, montaison trop rapide).
La sélection créatrice Basé sur l'hybridation
L'hybridation est la fécondation croisée de l'ovule d'une plante par du pollen d'une autre plante de la même espèce. La dissémination du pollen est réalisée par le vent et les insectes. Les plantes allogames privilégient naturellement la fécondation croisée qu'elle soit dioïque comme l'épinard qui a les pieds mâles et femelles séparés, ou monoïque comme le maïs qui possède des organes mâles et femelles sur la même plante mais à maturité distincte.
L'hybridation naturelle :
C'est un croisement totalement incontrôlé qui peut donner parfois de bons résultats, surtout si vous avez un jardin diversifié. Nos amis les abeilles et autres insectes pollinisateurs se chargent de la dissémination du pollen. Il ne vous restera plus qu'à ressemer et, "oh surprise!" vos potimarrons ou vos melons prendront par exemple des formes et des couleurs inconnues jusqu'alors.
Mais l'hybridation peut se faire par vous, chers jardiniers. Il suffit d'être patient et observateur. Il vous faudra récupérer du pollen d'une fleur mâle et féconder le pistil d'une fleur femelle, que vous aurez préalablement obturé. Le résultat sera un hybride maison. Si le résultat est intéressant, il faudra chaque année faire le croisement avec les pieds mères car les générations suivantes sont instables: ce sont les lois de Mendel.
Certaines semences commerciales sont le résultat aléatoire du croisement de nombreuses variétés. Les agriculteurs peuvent également faire des mélanges variétaux pour tirer parti de la diversité génétique. Ils chercheront alors un compromis entre les caractéristiques de chaque variété afin d'améliorer la résilience et le potentiel des cultures en fonction des aléas climatiques et des types de sol. Contrairement à l'idée d'une variété dite "parfaite”, les mélanges permettent de combiner différentes résistances et qualités.
L'hybridation avec une étape d'homogénéisation
Les générations suivantes issues de la création d'un hybride n'étant pas homogènes comme on l'a vu précédemment, il vous suffira de sélectionner les pieds les plus fidèles pour obtenir petit à petit, année après année, une plante de plus en plus homogène. Vous pourriez également faire ce processus avec un hybride commercial.
Beaucoup de semenciers se sont orientés vers des méthodes de multiplication plus complexes et dont certaines ont des conséquences plus ou moins graves sur notre planète, en termes de perte de diversité, de dissémination de gènes modifiés, d'utilisations de produits phytosanitaires toxiques et mutagènes. La propriété intellectuelle, et la mainmise des semences sur le monde paysan se fait par seulement 4 ou 5 grosses firmes au détriment des semences paysannes, biologiques, et des petites entreprises semencières. Voici quelques méthodes utilisées par ces grands groupes semenciers Bayer, Corteva, Pioneer, KWS, BASF Limagrin.
L'hybridation contrôlée pour créer des hybrides F1 :
C'est le même processus d'hybridation que celui que l'on a évoqué précédemment, par contre les sélectionneurs combinent autopollinisation des parents (phase d'homozygotie ou de consanguinité) et croisements de ceux-ci. Ce processus permet d'obtenir une culture uniforme à haut rendement, "effet d'hétérosis", mais les individus ne peuvent pas se reproduire efficacement par eux-mêmes. Les agriculteurs doivent acheter leurs semences chaque année. La phase d'autopollinisation est plus ou moins complexe, elle peut durer 6 à 7 ans et les croisements de ces lignées pures pour obtenir des hybrides hétérozygote à grandes échelle peuvent se faire de manière manuelle (castration manuelle des parties mâles du maïs) mais aussi par modification génétique (la stérilité mâle cytoplasmique (CMS). Le principe est d'utiliser une information génétique présente naturellement dans le cytoplasme (mitochondries ou chloroplastes) de certains individus de la même espèce cultivée, ou d'une espèce voisine généralement sauvage. Dans ce cas, la stérilité mâle est transférée par croisement naturel quand c'est possible, ou par biotechnologie : fusion de protoplastes.). Plus radical encore, ce processus peut se faire par castration chimique (la stérilité mâle peut être provoquée en appliquant un agent chimique d'hybridation qui inhibe la synthèse de pollen viable).
Les sélectionneurs d'hybrides F1 diront que pour les allogames (comme le maïs), les autofécondations pour créer des parents amènent un fort amoindrissement des performances, mais lors du croisement des parents l'hétérosis fort restaure la vigueur perdue et bien au-delà.
Avec les autogames (blé, tomates,…) les parents sont déjà vigoureux mais l'hétérosis faible apporte un surcroît de performance.
En tant que producteurs de semences paysannes bio reproductibles, on pourrait par exemple dire que ces plantes F1 ne requièrent pas de long travail d'homogénéisation, ce qui signifie beaucoup d'économies pour les entretprises produisant des hybrides F1. De plus, ces dernières sont assurées de vendre autant de graines chaque année puisque les graines F1 ne peuvent pas être ressemées en l'état. L'utilisation de plus en plus massive de pesticides pour la production d'hybrides n'est pas faite pour rassurer l'opinion publique, pourtant ces mêmes semenciers ont participé depuis plusieurs décennies à la création de nombreuses variétés "population", toujours utilisées actuellement, et qui n'ont pas nécessité ce panel de substances.
la creation basée sur les biotechnologies
Les OGM :
La transgénèse est une technique qui permet d'introduire des gènes étrangers dans le génome d'une plante. Voici les étapes principales de la transgénèse sur les plantes :
Choix du gène d'intérêt : On sélectionne un caractère spécifique que l'on souhaite introduire dans la plante, comme la résistance à des maladies, la qualité nutritionnelle, etc. Le gène d'intérêt peut provenir de n'importe quel organisme vivant (plante, animal ou bactérie).
Le Transfert du gène peut se faire de différentes façons :
- On peut utiliser une bactérie du sol appelée Agrobacterium. Cette bactérie a la capacité de transférer naturellement un gène dans la plante. Une construction génique est insérée dans l'Agrobacterium puis elle est transférée dans la plante et intégrée à son génome.
- On peut projeter des gènes d'intérêts dans les cellules végétales à l'aide d'un canon à particules, ou introduire de l'ADN dans des protoplastes par électroporation.
- Une nouvelle technique CRISPR-Cas9, également connue sous le nom de ciseaux génétiques, permet de modifier l'ADN de manière plus précise. Il agit comme des ciseaux moléculaires pour couper et éditer des séquences spécifiques.
Après avoir sélectionné les cellules transformées, on régénère de nouvelles plantes transgéniques en culture in vitro. Les plantules sont ensuite cultivées en serre puis …
...les plantes génétiquement modifiées peuvent se croiser avec des variétés sauvages et disséminer leurs gènes de manière incontrôlée dans la nature. A titre d'exemple, une plante génétiquement modifiée, pour être tolérante à un herbicide, risque de transmettre cette tolérance à des plantes sauvages de la même famille, idem pour des pyrales du maïs ayant acquis une résistance au maïs exprimant la protéine Bt .
Même les dernières techniques de transgénèse ne sont pas aussi précises qu'un copier-coller sur Word et peuvent engendrer d'autres modifications génétiques non souhaitables sur la plante.
Ces firmes n'ont toujours pas inventé du riz qui pousse en eau salée comme elles l'ont promis, par contre elles inondent le marché de soja transgénique et le monde de pesticides.
Les fusions de protoplastes :
En biotechnologie végétale, cette technique est couramment utilisée dans les programmes de sélection. Elle permet de créer des hybrides avec des caractéristiques combinées de deux espèces différentes, de transférer des gènes de stérilité, des résistances à des herbicides issus de plantes sauvages. Mais rassurez-vous, il est important de noter que cette méthode n'est pas considérée comme du génie génétique malgré le mélange du contenu génétique car on ne touche pas aux noyaux des cellules mais aux organites qui gravitent autour. La fusion peut se faire par électrolocation des membranes ou de manière chimique avec du polyéthylène glycol.
La mutagénèse :
Le but est de créer de nouvelles variétés en provoquant des mutations et d'acquérir des résistances aux herbicides, aux pathogènes… à grand renfort de traitement UV , rayon X, agents chimiques. Certains sélectionneurs ont même créé des mutations en envoyant des graines dans l'espace. Au Biau Germe, on préfère les mutations naturelles, elles sont rares mais elles ont beaucoup moins de conséquences environnementales. Dans votre vie de jardinier ou de marcheurs, de promeneurs, de nombreuses mutations naturelles sont à la porté de nos yeux. Les plus courantes sont les fleurs doubles, de nouvelles couleurs de fleurs, nouvelles formes de tiges…
Alors, que faut-il penser de tout cela? Sommes-nous obligés de suivre cette course en avant vers les biotechnologies et les pesticides? Les OGM pour la production de médicaments comme l'insuline, pourquoi pas, et puis c'est déjà le cas mais pour l'alimention ? De nombreuses études attestent que le génie génétique et les molécules phytopharmaceutiques ont un impact sur notre environnement et donc sur nous, alors que pour créer une variété, il suffit d'un peu de patience et de passion, et pour faire pousser des plantes sans pesticides, il faut juste plus d'agriculteurs...
Pour utiliser à bon escient les prés salés, il ne faut pas créer du riz tolérant au sel, mais plutôt y élever des agneaux!
De plus, les prairies sont bien plus riches en biodiversité que les monocultures de riz, de soja ou de maïs.